Crève
Nul doute que nos espaces intimes de liberté aient toujours
été la cible privilégiée de l’avidité hégémonique et compulsive des marchands
de tout poil. Leurs propagandes suivent toutes à peu près la même logique
implacable d’appropriation : associer leur produit à une action, un
sentiment ou une idée qui nous sont chers dans le but « ultime » de
nous faire croire que le vide ainsi crée sera comblé par le passage en caisse.
Exemple : j’aime X. Le produit Z est très X. Donc
j’aime (et j’achète) Z. Pavlovien et génial détournement ! Comme dans la
mafia, les amis de mes amis sont mes amis. C’est grossier, cousu de fil blanc,
mais ça marche ! Cette pratique, aujourd’hui devenue science, a un
nom : la réclame. Pour ceux qui trouvent le nom vieillot, on peut dire aussi
publicité (ou pub), communication (ou com) ou marketing (ou…). Nulle raison
donc que les épiciers des nouvelles technologies se privent d’un outil aussi
puissant qui a depuis longtemps fait ses preuves.
Ainsi, certains s’en tiennent aux recettes aussi éculées que
le plus vieux métier du monde (« l’impression XXXXL » pour les accros
au Viagra, avec une pulpeuse blonde aux formes laitières épanouies), d’autres
tentent le jeunisme avec des slogans Total choc pour des produits « Total
Web » et « Total fun », le tout présenté par un Total crétin sur
son skate, sans doute en train de surfer. Et d’ajouter en base
line : « Inspiration becomes reality ».
Eurêka ! Pour toucher des créatifs utilisateurs de
logiciels et matériels informatiques, il faut parler création, imagination.
S’approprier ce qui est l’essence même de notre passion (et notre gagne-pain).
Sous-entendre que les muses volages ne viendront papillonner à coup sûr autour
de nous qu’attirées par le miel inspirant de l’application Tartempion. Que l’hiver
est rude et que seules les fourmis câblées survivront quand la bise sera
venue : « Nous créons un nouvel Internet. Et vous que
créez-vous ? » L’angoisse. Rien. Rien, je ne crée rien du tout. Je
suis nul. J’ai encore une ligne analogique. Mon corps livide et gelé m’apparaît
soudain enseveli sous une épaisse couche de glace, prisonnier du lac
Technologie, dans le froid charnier translucide et figé des inutiles parias de
la Sainte Création. Au-dessus de ma tête, sous un ciel bleu, patinent joyeux
les élus du Réseau des réseaux au son riant des cloches et de Jingle Bells.
Les artistes sont angoissés, c’est bien connu. La peur et la
culpabilité les tendront comme des arcs jusqu’à la rupture. S’ils craquent, ils
achètent : « La seule limite est votre imagination. » La
moitié des logiciels et instruments électroniques de musique fait appel à cette
notion. Il croyait être le Mozart du IIIe millénaire, il rêvait d’une symphonie
céleste, il acheta un séquenceur Truc et un synthétiseur Muche et s’effondra,
les ailes brisées à l’écoute de son piètre résultat. La limite était
atteinte : trahi par son imagination anémique, jamais il ne serait
musicien. Ou pas tout de suite, ou pas avec cette marque… Et si l’acte de
non-achat devenait péché, meurtre, homicide, infanticide ? « Ne tuez
pas vos créations », nous sermonne-t-on pour nous vendre un écran. La
non-utilisation de ce moniteur, outre que nos créations ne mettront pas dans le
mille, se transforme en non-assistance à personne en danger, en l’occurrence
nos propres bébés. Au cas où l’intimidation ne suffirait pas, la même publicité
en remet une couche de paternalisme initiateur : « Découvrez le sens
des nuances. » Arrêtez d’êtres des balourds sans finesse, des bœufs mal
dégrossis, devenez des apprentis studieux, sages et dociles. Le sens des
nuances, c’est à droite, avant la sortie. Cartes Bleue pas en dessous de quinze
euros.
La liste semble sans fin : on nous encourage avec
« go create », on nous ordonne « invent », on nous vend de
l’ « inspiration technology », on nous invite avec
« extend », on nous promet avec « imaging across
networks », le tout en américain impérialiste, ça sonne mieux.
« Fuck ! Fuck ! Fuck ! », a-t-on envie de répondre
dans la même langue. Nous en avons tous assez. Alors, certains en
profitent : « No bullshit ! ». En français dans le
texte : « Pas de blabla ! » Donc, que tous les gens pas
dupes de perversion de la publicité se lèvent et achètent ce logiciel. C’est un
soft de rebelles.
Comprenons-nous bien. Ce ne sont ni les marques ni leurs
produits – que nous utilisons tous au quotidien d’ailleurs… – que je mets ici
en cause. Simplement le discours marketing. Les travaux forcés de la création
sont un mensonge. Ne nous laissons plus apostropher. N’acceptons plus les
ordres d’autoritaires publi-gourous arrogants qui ignorent et méprisent ce(ux)
dont ils parlent.
Crée ou crève ?
Je ne marche plus.
vous êtes assez violent mais c'est tout à fait justifié car il y a bien manipulation de masse et décervelage généralisé. J'en rajouterai une couche, pour les récalcitrants, il y a l'obsolescence programmée.. histoire de faire tourner les usines et tant pis pour les déchets. Une société qui s'opposerait à cela s'opposerait frontalement au système capitaliste dans la mesure où la production des usines baisserait de manière très importante et les bénéfices également. Donc écologie ne rime pas avec capitalisme... considérez que la réclame n'est qu'un des pendants de tout un système. Si vous condamnez la réclame alors probablement vous condamnez également tout le reste. Je trouve bien plus intéressant le son du vent ou celui des pierres frappées ou des galets qui oscillent sur des plaques, donc je suis ce que vous faites... amicalement , pascal
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