Souffle
En sortant du concert de chant
diphonique(1) « khöömii » du chanteur
mongol Bayarbaatar Davaasuren, je sentais bien que je n'étais plus
le même. Tout en marchant sous la voûte étoilée, un sentiment de
plénitude m'envahissait ; cette jubilation que l'on éprouve
enfant au contact des choses simples et essentielles : l'odeur
de l'herbe mouillée, le chant des insectes nocturnes, le frisson né
de la caresse du vent sur la peau. La joie dans la perfection d'être.
Ici et maintenant. Je l'avais pourtant lu sur le programme, mais je
n'y avais pas pris garde, pensant alors qu'il ne s'agissait que de
mots : « Pour les Mongols, le khöömii est un chant
sacré servant à rendre hommage à la splendeur qui les entoure. »
Maintenant je comprends.
Dès que la première note, sortie de
sa bouche, a rempli l'espace de la salle, le public, sous le charme,
s'est envolé pour un voyage d'une heure et demie sans escale. Un
petit Mongol sans âge, tout juste débarquée de sa steppe natale,
seul sur scène, s'accompagnant simplement d'une vieille à deux
cordes, connaissait le chant de la terre. Et nous, occidentaux nantis
et technologiques, nous recevions bouche bée cette résonance
universelle. Comme la ville asphyxiée sous un soleil de plomb attend
la mousson, nous espérions, sans le savoir, ces gouttes sonores
bienfaisantes.